Formation : astuces pour définir des objectifs pédagogiques « smart »

Mis à jour le mercredi 04 octobre 2023
Publié le mardi 12 mai 2020 par Véronique Lenfant

Que vous soyez formateur occasionnel ou professionnel, une caractéristique de “L’Homo Formatus” est sa générosité : intéressé voire passionné par sa matière, le formateur a à cœur de transmettre voire de “tout” transmettre. Ce sympathique enthousiasme risque alors de le piéger et mettre sa formation en péril.

Parmi ces pièges :

  • Méconnaître le niveau de connaissances du groupe
  • Mettre la barre trop haute pour soi-même ou le groupe
  • Définir trop vaguement les objectifs : en effet, le participant se fait une représentation plus ou moins fantasmée de ce qu’il va apprendre et faire à partir des objectifs et du programme, si les objectifs sont vagues …les risques de dérapage et d’insatisfaction augmentent
  • Appréhender le temps de formation de manière peu réaliste
  • Confondre le titre de la formation et les objectifs: certes il faut un titre attirant, cependant l’engagement porte sur les objectifs et le programme

Petite illustration : Je me suis amusée à taper dans le moteur de recherche “formation gestion du stress”, voici un résultat (anonyme)

Titre : les outils de la gestion du stress

Objectifs:

– maîtriser les mécanismes de stress dans un écosystème turbulent ou en mutation

– dominer ses émotions pour se recentrer sur ses priorités

– développer des attitudes positives pour préserver son équilibre

Public:

tous collaborateurs soumis à une forte pression de stress ou à une charge de travail considérable

Durée: 1 jour

Si l’organisme peut faire qu’en 1 jour des personnes “maîtrisent”, “dominent”, gardent le sourire, la pêche pour faire face à “une charge de travail considérable” (nota : durée indéterminée de la charge) ou encore gérer la “forte pression du stress” (le stress pressure, la pression stresse, le stress stresse …) alors vite contactez moi et je vous communiquerai le numéro de l’organisme phénix! Pour éviter les pièges de l’euphorie, je vous propose un antidote.

L’antidote, base théorique

Il se fonde sur deux concepts:

  • la Taxonomie de Bloom
  • le Contrat d’Eric Berne

Taxonomie de Bloom

Benjamin BLOOM (1913-1999), psychologue américain spécialisé en pédagogie, a travaillé sur les processus d’apprentissage. Il a défini 6 niveaux d’objectifs éducationnels- du plus simple au plus complexe.

Pour élaborer une formation, ces niveaux peuvent se transcrire ainsi pour les 3 premiers :

En conclusion, cette grille permet au formateur de s’interroger sur ce qu’il cible, réfléchir au temps nécessaire par rapport à son objectif, et aux moyens utilisés pour l’atteindre (sélection des apports théoriques, degré de profondeur, illustrations, exercices, moyens pédagogiques…).

Cependant, ce n’est pas suffisant pour éviter les pièges formulés plus haut.

LE CONTRAT D’ERIC BERNE

En complément, le concept de “contrat” développé par Eric Berne (1910-1970; psychiatre américain fondateur de l’analyse transactionnelle) va être une aide pertinente pour le formateur. Eric Berne distingue le contrat administratif (ou commercial) du contrat professionnel. Il définit le contrat professionnel comme un “engagement bilatéral en vue d’une action spécifique.

Claude STEINER (psychologue américain 1935-2017), qui a travaillé avec Eric BERNE, a complété cette définition par 4 conditions attachées au contrat. Celle qui nous intéresse dans cet article est “le consentement mutuel” qui se fonde sur une offre explicite et réaliste, définie dans le temps, ainsi que les moyens mis en œuvre. C’est sur ce principe que l’acronyme des objectifs SMART (en management) a été élaboré : Spécifique Mesurable Atteignable Réaliste Temps.

Au regard de cette nouvelle grille, qui permet une définition plus explicite des objectifs et du programme le sur lequel vont s’engager le formateur et le stagiaire, le formateur peut :

  • vérifier (ou élaborer) ses objectifs de formation (ainsi que les séquences du scénario pédagogique),
  • s’assurer que ces objectifs et le programme sont réalistes compte tenu des paramètres (public, temps, complexité de la matière,…)
  • vérifier que les objectifs et le programme sont réalistes et le cas échéant, mesurables a minima.

L’antidote, application pratique, je propose de reprendre l’exemple cité plus haut, voici les suggestion que je ferais :

Titre : les outils de la gestion du stress niveau 1

Objectifs:    

– comprendre les mécanismes de stress

– identifier les sources de stress dans son environnement professionnel

– identifier les émotions associées

– réfléchir à des actions, moyens pour gérer la situation

Public: tout collaborateur souhaitant comprendre les mécanismes du stress et apprendre à gérer ou prévenir les situations

Durée: 1 jour

Comme vous l’avez remarqué, j’ai modifié le titre de la formation, en indiquant “niveau 1”. En 1 jour, il est possible de sensibiliser (donner des informations factuelles, faire réfléchir). Je ne connais pas le degré de connaissance ni de sensibilité des participants, aussi est-il illusoire de parler de “maîtriser” ou “dominer” ses émotions.

Pour mettre le participant dans une dynamique de résolution de problème, il y a un objectif qui est de “réfléchir”, cela ne signifie pas que la personne va trouver des solutions “toutes faites”. Elle va au mieux pouvoir prendre un peu de recul, clarifier la situation qu’elle vit, entrevoir des leviers.

AUTRE EXEMPLE

C’est lors d’une supervision que j’ai découvert la taxonomie de BLOOM. J’avais en projet une intervention (atelier de 1h30 sur les Motivateurs Inconscients lors d’un Congrès en France cf article) En 1h30, comment faire avec tant de matière? Mon objectif était de susciter l’intérêt des participants (dans le cadre de leur métier), pour qu’ensuite ils approfondissent par eux-mêmes ou suivent un atelier. Je me suis donc concentrée sur le niveau 1 de la taxonomie, apports théoriques ciblés et simplifiés avec des illustrations et un exercice afin que les participants, au-delà de la transmission d’une connaissance, perçoivent de manière plus concrète le concept et si possible, fassent des liens avec leurs propres contextes professionnels ce qui les engagera alors à “creuser” le sujet.

Avoir des objectifs pédagogiques réalistes guide le formateur dans la conception de la formation (objectifs, scénario pédagogique…). Cela va aussi lui permettre au début de l’animation, lors du tour de table des attentes des participants, de “recadrer” les attentes “magiques”, limiter ou éviter les débordements.

Bibliographie : Manuel d’analyse transactionnelle Ian Stewart et Vann Joines Interdéditions

Véronique Lenfant

Véronique Lenfant est Consultante Coach Formatrice en gestion de carrière et communication interpersonnelle.Elle développe les talents au sein des organisations par l’accompagnement des trajectoires professionnelles et le développement des ressources comportementales

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